Depuis la loi du 2 novembre 1992, le Code du travail
protège le salarié contre les actes de harcèlement sexuel au travail (C.
trav., art. L. 122-46). En revanche, il a fallu attendre la loi de
modernisation sociale du 17 janvier 2002 pour que le Code du travail
protège, lui aussi, expressément, le salarié contre les actes de
harcèlement moral dans l’entreprise (C. trav., art. L. 122-49). Récemment,
la loi Fillon du 3 janvier 2003 est venue modifier certaines des règles
nouvellement créées
I. LA PROTECTION CONTRE LE
HARCELEMENT
Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002,
le Code du travail protège non seulement le salarié victime de harcèlement
sexuel mais aussi le salarié victime de harcèlement moral au travail.
1. La protection contre le harcèlement
sexuel
Selon le code du travail, aucun salarié, aucun candidat à
un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne
peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure
discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de
rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de
qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de
subir les agissements de harcèlement de tout personne dont le but est
d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un
tiers (C. trav., art. L. 122-46).
Cette disposition protège également les salariés qui ont
témoigné de tels agissements ou qui les ont relatés.
2. La protection contre le harcèlement
moral
Selon le même code, aucun salarié ne doit subir les
agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet
une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à
ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel.
De même, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou
faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte,
notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement,
d'affectation, de qualification, de classification, de promotion
professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir
subi, ou refusé de subir, des agissements de harcèlement moral ou pour
avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés (C. trav., art. L.
122-49).
A savoir. Les formes de harcèlement moral visés par la loi
sont multiples : reproches incessants, pressions, mise en œuvre
d’objectifs impossibles, discrédit systématiquement, isolement, etc.
II. LES ACTEURS DE PREVENTION
Diverses personnes ont désormais un rôle à jouer pour
prévenir les actes de harcèlement dans l’entreprise : l’employeur, les
représentants du personnel, le médecin du travail, etc.
1. L'employeur
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 prévoit
expressément que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. A
cette fin, l’employeur est donc tenu de tout mettre en œuvre pour prévenir
ou faire cesser des actes de harcèlement sexuel ou moral. A défaut, sa
responsabilité peut être engagée.
De plus, l’employeur doit respecter et faire respecter les
principes généraux de prévention en matière d’hygiène et de sécurité. Il
est ainsi tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la
sécurité et protéger la santé « physique et mentale » des travailleurs de
l’établissement. L’employeur doit donc tout mettre en œuvre pour prévenir
ou mettre fin aux actes de harcèlement sexuel ou moral dans l’entreprise
(C. trav., art. L. 230-2).
A savoir. La loi ne donne aucune indication précise sur la
nature des actions de prévention devant être mises en œuvre pour lutter
contre les actes de harcèlement moral.
Enfin, en complément des dispositions relatives aux droits
de la défense des salariés et à l’abus d’autorité en matière sexuelle
devant être insérés dans le règlement intérieur de l’entreprise depuis de
nombreuses années, l’employeur doit désormais insérer une disposition
relative à l'interdiction de toute pratique de harcèlement moral (C.
trav., art. L. 122-34).
2. Les délégués du personnel
Les délégués du personnel ont, depuis la loi du 17 janvier
2002, la possibilité de déclencher une procédure d’alerte en cas
d’atteinte aux droits des personnes, aux libertés individuelles ou à la "
santé physique et mentale" des salariés. Le délégué du personnel peut donc
utiliser son droit d'alerte en présence d'une situation de harcèlement
moral. Ainsi, dès lors qu’un délégué du personnel constate (ou est averti
par un salarié) l'existence d'une atteinte à la santé physique ou mentale
d'un salarié, non justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnée au but recherché, il peut alors saisir l'employeur qui sera
alors tenu de procéder à une enquête et remédier à la situation.
Si l’employeur refuse d’agir ou encore, si l’employeur et
le délégué du personnel ne trouvent pas de solution amiable, le délégué du
personnel peut saisir le conseil des prud’hommes en référé pour faire
cesser le trouble.
3. Le CHSCT
Les représentants du personnel au CHSCT ont un rôle
fondamental en matière de prévention des actes de harcèlement dans
l’entreprise. En effet, d'une manière générale, le CHSCT a pour mission de
contribuer à la protection de la santé « physique et mentale » et à la
sécurité des salariés. Il doit aussi veiller à l'amélioration des
conditions de travail et à l'application des dispositions légales prises
en ces matières.
4. Le médecin du travail
Les pouvoirs du médecin du travail ont été considérablement
renforcé depuis la loi du 17 janvier 2002. En effet, le médecin a
désormais la possibilité de proposer des mesures individuelles au salarié
(par exemple, la mutation ou la transformation de poste) justifiées par
l'état de santé "physique et mentale" des salariés.
5. L’inspecteur du travail
L’inspecteur du travail peut également être saisi en cas de
non-respect d’une disposition légale.
III. LES ACTIONS EN JUSTICE
1. L’intervention des organisation
syndicales représentatives
Les organisations syndicales représentatives dans
l'entreprise ont le droit d’exercer en justice toute action contre les
agissements de harcèlement moral en faveur d'un salarié de l'entreprise à
condition toutefois d’obtenir l’accord écrit de l'intéressé (C. trav.,
art. L. 122-52).
A noter : Le salarié victime peut, même après avoir donné
son accord écrit, intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y
mettre fin à tout moment (C. trav., art. L. 122-53).
2. La procédure de médiation
La loi de modernisation sociale a mis en place d’une
procédure de médiation pouvant être demandé par le salarié victime de
harcèlement moral dans l’entreprise (C. trav., art. L. 122-54).
Attention ! Depuis la loi Fillon du 3 janvier 2003, la
procédure de médiation peut également être mise en œuvre par la personne
mise en cause.
Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les
parties. Toutefois, ce choix n’est pas entièrement libre. En effet, le
médiateur est obligatoirement une personne extérieure à l’entreprise,
choisi sur une liste de personnalités désignées en fonction de leur
autorité morale et de leur compétence dans la prévention du harcèlement
moral ou sexuel. Ces listes de médiateurs sont dressées par le Préfet,
après consultation et examen des propositions de candidatures présentées
par les associations de défense des victimes de harcèlement ou encore, par
les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan
national.
Dès que le choix du médiateur est effectué, ce dernier
convoque les parties pour qu’elles comparaissent dans un délai d'un mois.
En l’absence de comparution, le médiateur fait un constat écrit et
l’adresse aux parties. Le médiateur doit s'informer de l'état des
relations entre les parties, tenter de les concilier et leur soumettre des
propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.
En cas d'échec de la conciliation, le médiateur informe les parties des
sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la
victime. Le juge peut alors être saisi par l’une ou l’autre des parties.
3. L’action prud’homale
La victime de harcèlement peut saisir le Conseil des
prud'hommes pour demander la nullité de la rupture du contrat de travail
ou de toute autre disposition découlant du harcèlement (mutation,
rétrogradation, etc.) sexuel ou moral.
Important. La loi de modernisation sociale avait renversé
la charge de la preuve. Ainsi, le salarié devait juste présenter au juge
les éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral mais il
incombait ensuite au défendeur (harceleur) de prouver que ses actes
n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral et que son comportement
était justifié par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
La loi Fillon du 3 janvier est venue modifier cette disposition mais à la
défaveur du salarié victime de harcèlement. En effet, le renversement de
la charge de la preuve est annulé. Désormais, la charge de la preuve dans
le domaine du harcèlement est partagée : le salarié qui s'estime victime
de harcèlement moral doit établir les faits présumant l'existence d'un
harcèlement. Il appartient ensuite au défendeur, au vu de ces éléments, de
prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement
et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à
tout harcèlement.
4. L'action pénale
Le harcèlement sexuel comme le harcèlement moral sont
aujourd’hui des délits pénalement sanctionnés. Dans le cadre du procès
pénal, les magistrats du Parquet demandent la condamnation de l'auteur de
l'infraction au nom de la Société et non la victime. Si la victime
souhaite obtenir une réparation matérielle de son préjudice (dommages et
intérêts), elle doit alors se constituer partie civile ou porter plainte
avec constitution de partie civile.
A savoir. Devant le juge pénal la charge de la preuve
repose sur la victime.
5. L’action devant le tribunal des
affaires de Sécurité sociale
Le harcèlement (notamment moral) subi par une victime peut
provoquer ou aggraver un accident du travail ou une maladie
professionnelle (dépression, suicide, etc.). La victime a alors intérêt à
faire reconnaître le caractère professionnel de cet accident ou de cette
maladie pour obtenir une réparation plus avantageuse de son régime
d'assurance maladie.
Si la CPAM refuse de reconnaître le caractère professionnel
de l'accident ou de la maladie, la victime peut intenter une action devant
le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS. De plus, la victime
peut également, par l'intermédiaire de la CPAM, intenter une action pour
faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur et ainsi obtenir une
indemnisation intégrale de son préjudice (indemnisation du préjudice
matérielle mais aussi moral).
IV. LES SANCTIONS
1. Les sanctions disciplinaires
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement
sexuel ou moral est passible de sanctions disciplinaires (avertissement,
mutation, etc., voire licenciement). Celles-ci doivent être prévues dans
le règlement intérieur de l’entreprise.
2. Les sanctions civiles
Toute rupture du contrat de travail ou toute mesure
disciplinaire résultant d’un harcèlement est nulle de plein droit. Ainsi
le salarié victime de harcèlement peut être réintégré s'il le souhaite. De
plus, le salarié peut obtenir des dommages et intérêts en raison préjudice
qu'il a subi. Ces dommages et intérêts sont appréciés librement par les
juges en fonction des éléments apportés au procès et éventuellement, des
rapports d'expertise.
3. Les sanctions pénales
Depuis la loi du 17 janvier 2002, des sanctions pénales
sont prévues dans le code Pénal et dans le Code du travail.
Dans le Code pénal, le fait de harceler autrui par des
agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des
conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son
avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 €
d'amende (C. pén., art. 222-33-2).
Dans le Code du travail, les actes de harcèlement ou les
mesures discriminatoires prises à l'encontre d'une victime ou d'un témoin
de harcèlement sont punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3
750 €, ou de l’une de ces deux peines seulement (C. trav., art. L.
152-1-1). Le tribunal peut, en outre, ordonner aux frais de la personne
condamnée l’affichage du jugement et son insertion, intégrale ou en
extraits dans les journaux qu’il désigne, sans que ces frais puissent
dépasser le maximum de l’amende encourue.
Enfin, la personne coupable de harcèlement peut être
condamnée à des peines complémentaires (interdiction d'exercer l'activité
professionnelle dans laquelle l'infraction a été commise, annulation du
permis de conduire, etc.)